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Point de vue du patient

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Témoignage d’une enfant devenue adulte Porteuse d’une exstrophie

L’histoire commence ainsi :

Le 17 Avril 1982 à 11h30, après une grossesse menée à terme sans encombre, j’ai vu le jour dans une maternité à Arras dans le Pas-de-Calais. J’étais le 1er enfant de mes parents. Ils ne s’attendaient pas à ce qui allait se passer ...

Salle d’accouchement, prête à me mettre au monde, ma mère se pose des questions quand elle voit tout ce monde autour d’elle ... elle me met au monde et c’est là que va commencer mon histoire, notre histoire ... à la naissance, les médecins diront sur leur rapport que je présente «un laparoschisis de l’ombilic au pubis avec semble t-il une exstrophie vésicale, peut être génitale, une antéposition anale avec imperforation; le reste de l’examen semble normal mais s’ajoute à cela un problème d’ambiguïté sexuelle».

Mes parents vont donc me prénommer Frédérique, ne sachant pas si j’étais une fille ou un garçon ... Puis la machine s’emballe : la maternité n’étant pas équipée pour une telle prise en charge, je suis transférée dans les heures qui suivent vers l’hôpital Necker Enfants Malades à Paris. Pour la petite histoire, l’équipe d’ambulanciers, qui était une entreprise de père en fils, et qui m'emmènera ce jour là continuera à m’accompagner tout au long de mes différents trajets Arras - Paris pour les nombreuses consultations, hospitalisations et interventions chirurgicales et ce jusqu’à ce que je parte de chez mes parents ! Ils m’auront vu grandir, ils auront partagé beaucoup de mon histoire ...

Me voilà donc transférée à Paris ... 1ère séparation d’avec mes parents ... ma mère ... je ne peux imaginer ce qu’elle a ressenti ... jamais je n’ai osé lui poser la question ... Mais des brèves conversations de cette période, je retiens que ça n’a pas été simple ... il y a 31 ans, il n’y avait pas de chambre mère enfant ou de maison des parents ! La chose que ma mère m’ait dite et qui m’a marqué, c’est qu’elle pouvait me voir, mais derrière une vitre ... c’est dur ...

Les différentes explorations à mon arrivée à Necker concluront à une exstrophie du cloaque. Des analyses vont confirmer que je suis bien une fille. Je vais alors avoir un nouveau prénom : Virginie. Sur mon carnet de santé, en 1ère page, le prénom Frédérique est barré et est remplacé par Virginie. Nouvelle identité, nouvelle histoire commence ...

De multiples interventions chirurgicales, certaines plus lourdes que d’autres (les médecins avaient dit à mes parents que je ne dépasserai pas l’âge de 10 ans) avec notamment en Août 1982 la mise en place d’une dérivation des urines, une urétérostomie, un Bricker; puis il y aura l’ostéotomie en 1987, j’ai 5 ans, lourde chirurgie, suites lourdes, en plein été à Paris, il fait chaud, je me retrouve dans un hamac les jambes «suspendues», il faut ensuite réapprendre à marcher.

De longs séjours à l'hôpital, de nombreuses consultations. L’éloignement familial devient compliqué à gérer au fil des années que je grandis. Mais ma mère sera toujours présente. A chaque intervention, chaque hospitalisation, chaque consultation. Elle va gérer d’une main de fer. Et l’équipe soignante est là ! De mes jeunes années, je ne cache pas que je n’ai plus aucun souvenir de ces différents séjours, des différentes équipes. Ça paraît tellement loin mais du peu que je me souvienne c’est que je me suis toujours sentie bien entourée par les équipes soignantes. J’ai toujours eu de bons rapports avec le personnel, étant de nature toujours souriante, et aimant le contact !

Puis la famille va s’agrandir; en 1985 viendra me rejoindre Alexandre, puis en 1988, la petite dernière, Amandine. Tous les deux sont en bonne santé.

Ayant d’autres enfants à s’occuper, ma mère ne pourra plus rester aussi facilement lors de mes séjours à l’hôpital. Elle sera présente à chaque fois les veilles d’intervention chirurgicale, lors de mes réveils après intervention, mais une fois qu’elle verra que je suis entre de bonnes mains, elle devra rentrer s’occuper de mon frère et de ma soeur.

Je garde du coup un lien très particulier, très fort avec ma mère .... ces liens affectifs sont très importants ... ils marquent à vie .... ils nous permettent d'avancer dans notre vie ... Et il y a bien sûr ce lien que j’ai créé avec le personnel soignant ... ce lien si fort .... Infirmier(e)s, aides soignant(e)s, chirurgiens. J'ai toujours crié haut et fort que je considérais cette équipe de Necker comme ma seconde famille ... Je considérais le chirurgien qui m'a opéré à la naissance comme un 2ème père ... Ça peut paraître fort comme mots, mais c'est comme ça que je le ressentais et que je le ressens encore maintenant. Ma mère ne pouvant être là tout le temps, j’ai été entourée et «chouchoutée» par les différentes équipes. Ça a aussi développé mon indépendance !

J’ai beaucoup partagé avec ces équipes : des rires, des pleurs, des craintes, des peurs, mais aussi l’obtention de mon Brevet des Collèges ! C’était en Juillet 1997, je venais de subir une énième intervention chirurgicale (Du Bricker je suis passée à une dérivation continente par Poche de Kock). Je vois encore l’infirmière venir me voir dans ma chambre, après que ma mère eut appelé pour prévenir que j’avais eu mon Brevet ! Tout le service était au courant et tout le monde venait me féliciter ! Au cours de cette hospitalisation, je vais avoir à faire face à l’apprentissage des sondages, car le Bricker, je n’avais connu que ça tout au long de mon enfance; pour moi, j’étais née avec et donc j’avais appris à vivre avec ! Là, je devais apprendre à me sonder et la stomathérapeute qui s’est occupée de moi, ma petite Paule, a su me mettre en confiance et j’ai très vite su faire mes sondages moi même. Avant l’intervention, le chirurgien m’avait mis en contact avec une jeune femme qui avait eu cette même intervention et ça m’avait permis de lui poser des questions, elle avait pu m’expliquer les choses et de ce fait, je n’étais pas dans l’inconnu.

J’ai donc suivi une scolarité normale, parfois semée d’embûches, mais j’y suis arrivée. Aucun redoublement ! Brevet des Collèges, Baccalauréat Sciences médico-sociales, me voilà prête à rentrer dans la vie active !

Et le destin (que j’ai sûrement provoqué) a fait que j’ai eu mon 1er emploi de secrétaire médicale dans le service où j’avais été prise en charge à la naissance ! Me voilà passé de l’autre côté de la barrière, je ne suis plus patiente, mais je fais partie de l’équipe médicale et paramédicale. Je travaille avec les personnes qui se sont occupées de moi ... Tout cela n’est pas anodin je pense. Au fond de moi, il y a ce lien, ce cordon que je ne peux pas couper ! Travailler dans ce service qui a pris soin de moi, c’est garder un pied dans ma 2ème famille. Je me sentais en sécurité le fait d’être sur place ! Je me souviens que quand je faisais des pyélonéphrites, j’avais le droit directement à la mise en place d’un cathlon pour de la ROCEPHINE en IV pendant 2 - 3 jours et pendant les heures de boulot, quand dans le service, le personnel était un peu plus disponible, j’allais les voir pour mon injection ! On s’installait en salle de repos, la pompe et la seringue installées et le temps que le produit passe, je partageais un peu de leur temps à papoter.

Puis, j’ai rencontré l’homme qui allait devenir mon mari. Il habitait Lyon et je l’ai donc rejoint. Je devais quitter Paris, Necker, ma 2ème famille ... Difficile de les quitter ! Je me revois me retourner une dernière fois dans l’allée de l’hôpital et je regarde ce bâtiment où je suis née une 2ème fois, où j’ai grandi, où j’ai appris, où j’ai souffert, où je me suis construite, et où j’ai eu mon 1er poste en tant que secrétaire médicale.

Fraîchement débarquée à Lyon, je trouve une place de secrétaire médicale à l’hôpital Debrousse et, bien entendu, dans un service de chirurgie uro-viscérale pédiatrique ! Nouvelle équipe, des liens se créent très rapidement avec l’équipe soignante. Je raconte forcément mon histoire, je ne m’en cache pas. Ça me permet à nouveau de retrouver ce petit cocon que j’avais à Paris.

Nouvelle vie, nouveau boulot, un mariage à préparer puis c’est la claque : une nouvelle intervention chirurgicale à prévoir, je ne m’y attendais pas ... les sondages ne fonctionnaient plus ... Il fallait à nouveau passer au bloc, se retrouver entre les mains d’une nouvelle équipe, d’un nouveau chirurgien. 2 possibilités s’offraient à moi : soit refaire le montage qui me permettait de me sonder mais avec la possibilité que ça ne fonctionne pas et qu’il faille retourner au bloc ou alors, la solution «radicale», revenir au Bricker. Grosse claque, annonce difficile, petite déprime ... La 1ère chose à laquelle je pensais c’était que j’allais devoir refaire ma garde robe ! Mais une fois passée cette annonce, la machine était lancée ! Je savais vers quoi j'allais. Lourde intervention, 8 jours d'hospitalisation, et 3 mois d'arrêt avec soins, réapprendre à vivre avec une poche,... Là, j’étais adulte, l’approche avec le personnel soignant est différente; je ne suis plus une enfant; je sais que je ne peux pas attendre la même chose.

Mais il y a une chose que j’ai retenu de ce séjour : la prise en compte de mes demandes de patiente ayant un lourd passé chirurgical et donc un lourd passé en milieu hospitalier. L’équipe a su prendre en compte ma peur du masque. Par là, je veux dire que lors de ma consultation d’anesthésie, au cours de l’interrogatoire, l’anesthésiste m’a demandé si j’avais des choses particulières à signaler, à préciser et c’est là que je lui ai demandé s’il était possible de ne pas être endormi au masque car j’en gardais un très mauvais souvenir. Cela n’a posé aucun souci. Pareil au cours de l’hospitalisation où les infirmières avaient des soins à me faire et m’enlever des agrafes. Elles voyaient que je n’étais pas tranquille et voulaient donc me mettre le masque avec un gaz pour me détendre. Elles ont dû faire appel à l’anesthésiste qui s’est avéré être celui que j’avais vu en consultation d’anesthésie avant l’intervention. Elle s’est souvenue de moi et de ma peur du masque et a donc fait passer le mot à l’équipe. Ma peur a été prise en compte et l’équipe soignante a alors revu son protocole de soins : elles m’ont mise en confiance, des paroles rassurantes, ont pris leur temps avec moi et le soin s’est plutôt bien passé ! Sans avoir besoin du recours au masque ! J’ai vraiment apprécié !

Et en fin de compte, pour la petite info, je n'ai rien eu à changer à ma garde-robe ! le matériel avait évolué, des poches plus discrètes ... et pour une jeune femme, c'est important, pouvoir continuer à s'habiller "normalement".

Alors effectivement, il faut passer ce cap de "l'esthétique", de la "cosmétique". Le Bricker n'est pas discret ! Il faut passer ce cap, et surtout ensuite, en couple, arriver à le faire accepter... Ce n'est pas un passage facile mais bon ... Dans tous les cas, si c'était à refaire, je le referai ... le Bricker est effectivement une solution "radicale" mais outre l'aspect esthétique, il a changé ma vie ! Encore une fois, je parle pour moi ... Je trouve cela tellement moins contraignant ! Fini les nombreuses pyélonéphrites, les antibiotiques, les fuites, les oublis de sondes avec le Mitrofanoff ... Là, avec le Bricker, mon rein unique est plus à l'abri ! En 7 ans, je n'ai fait qu'une seule infection urinaire ! Et pour un projet de grossesse, le chirurgien m’avait fait comprendre que c’était mieux dans mon cas.

Au cours de ce témoignage, vous avez pu voir que malgré tout ce lourd parcours, j'ai vécu ma vie d'enfant, d'adolescent, de jeune femme et de femme ! Je n'ai donc jamais redoublé à l'école j'ai eu mon bac Sciences médico-sociales, j'ai passé mon permis de conduire que j'ai eu du 1er coup, je me suis mariée, .... bref des choses normales ! La seule que je n’ai pas encore pu accomplir et qui sera plus compliqué, c’est avoir un enfant. C’est MON projet que j’aimerais voir aboutir. Cela devra passer par de la procréation médicalement assistée. J’ai conscience que c’est un parcours long, difficile et qui n’aboutira pas forcément mais je veux pouvoir tenter cette expérience. Peut-être que ça ne marchera pas, je reste réaliste, mais pourquoi ça ne marcherait pas ?

Alors, effectivement, tout n'est pas rose tous les jours, tout n'est pas simple tous les jours, mais qui a dit que la vie était simple ! Il faut juste s'adapter aux aléas de la vie ! Profiter des petites choses que la vie apporte et avancer !!

Il est important que patients et soignants avancent main dans la main ! Vous, en tant que soignant, vous réparez notre corps du mieux que vous le pouvez , avec les moyens possibles. Parfois, ça ne marche pas toujours comme on voudrait ... On est déçu ... mais il faut continuer à avancer .... se battre ... et prouver aux autres que l'on peut vivre "normalement" malgré "la maladie". Car il ne faut pas se cacher, cela reste un combat de tous les jours : devoir se battre et prouver ! C’est un combat de tous les jours pour nous ...

Mais la vie apporte des moments qui valent vraiment la peine de se battre ...

- Virginie, avril 2014


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Le 10 avril 1984 à 4h45 du matin, une petite fille s'apprête à découvrir le monde extérieur. Premier enfant du couple, cette petite fille était très attendue. Le moment est venu de voir le jour... Mais quelle surprise... Cet enfant c'est moi, Aurore. Je vois mes parents pour la première fois mais quelle agitation autour de moi. Ne serais-je pas comme mes parents l'avaient espéré ? Malheureusement mon premier contact avec eux a été écourté. Mais que se passe t-il ? Les médecins de ma petite ville n'en savent pas beaucoup plus que moi.

Je suis donc dirigée vers Paris, à I ‘hôpital Bicêtre, après quelques heures de vie. Les premières relations mère-enfant n'ont pas pu avoir lieu. Quelle maladie a bien pu me séparer de mes parents si rapidement ?

Le diagnostic est posé : exstrophie vésicale. Ces mots résonnent dans la tête de mes parents et une multitude de questions se posent :

"POURQUOI ?"

"Qu'est-ce que tout cela signifie"

Ma paroi abdominale est absente, ma vessie est malformée.

J'ai maintenant 4 ans. Alors que je regarde mes camarades d'école gambader de façon très à I’aise, étant libérés de leurs Hugees ou Pamper's, pour moi ce n'est pas le cas donc je reste dans mon coin ; Je les regarde, voire les admire. Mon sphincter urinaire ne marche pas, je suis totalement incontinente. Ma paroi abdominale a été refermée quelques temps auparavant. Au fil du temps je me rends compte que je ne suis pas comme les autres.

Les classes s'enchainent : CP, CE1... et la situation reste bien difficile. Ce sentiment de différence s'accroit, le séjour en classe de mer m'est impossible.

Je grandis et la taille de mes couches grandit avec moi. A 11 ans arrive l'entrée en 6ème. Toujours incontinente, il devient bien difficile de le dissimuler. Aller aux toilettes avec un gros sac à dos, être dispensée de piscine... tout cela intrigue mes camarades. Sans compter les jours où la soif est plus importante et que le jean's a une marque plus foncée à I'entre-jambe. Les regards blessent, les paroles accablent.

A 12 ans, il est temps de régir. Malgré un dialogue difficile avec mes parents, j'exprime ma volonté d'être comme les autres : aller à la piscine, à la mer, porter des petites culottes normales, ne plus sentir l'urine, ne plus promener mon sac à dos jusqu'aux toilettes. Mes parents restent aussi discrets que moi sur le sujet. La honte et la culpabilité semblent les ronger.

A 14 ans, la fin de mon calvaire approche. Je suis dirigée vers I'hôpital Debrousse à Lyon où un grand Professeur m'opère. Le 02 avril 1998, je subis une ostéotomie du bassin, on me ferme I'urètre et on me forme une dérivation de la vessie à la peau appelée cystostomie étanche ou conduit de Mitrofanoff. Plus de 10 heures sur le billard, mes parents s'inquiètent, tournent en rond. Ma mère vient me voir dans la salle de réveil. Je vais très bien mais suis un peu dans les "vapes". S'en suit deux mois d'hospitalisation avec des bouts de "ferrailles" et des "tuyaux" qui me sortaient du ventre. Loin de chez moi, de mes parents, je me réfugie dans les bras des infirmières et aides-soignantes ; un soutien précieux, des mots attendrissants, des paroles réconfortantes. Je voyais mon cauchemar prendre fin. En juin 1998, je dois réapprendre à marcher et apprendre à uri-ner. A 14 ans je dois apprendre les 2 étapes importantes d'un enfant de un an. Mais sur I'instant, la déception est grande : je n'urine toujours pas comme tout le monde. Alors vient I'apprentissage ; les sondes, les poches, les compresses, la chlorexidine et la va-seline. En quelques jours je maitrisais bien le geste. Les longues soirées d'hospitalisation, je les passais à réfléchir et me remettre en question. Je me disais : " Je vais pouvoir avoir une vie "normale' ". Tout d'abord septique, en quelques mois j'étais totalement métamorphosée. Je sortais avec mes amis, je courais, j'allais à la plage. Tout ceci avec si peu de contraintes. Que de bouleversements. Mes parents semblaient satisfaits du résultat même si ce n'était pas tout à fait celui qu'ils espéraient. Il faut donc se résigner : je ne suis pas tout à fait comme tout le monde.

Et alors ? N'est-ce pas cela qui a fait et qui va faire ma force ? Qui est parfait ? N'y a t-il pas plus malade que moi ? A 14 ans j'ai la chance d'avoir de longues années de vie devant moi pour en profiter et avec un minimum de contraintes. Ce handicap, je ne m'en cache plus, je n'en ai plus honte. Mes amis le comprennent, ils me soutiennent. Mes parents ne le voient pas tout à fait du même œil, ils se sentent encore coupable, mais à tort. A moi de leur prouver que je peux évoluer comme les autres.

J'obtiens mon BEPC avec succès et je me dirige vers une voie littéraire. A 16 ans sonne I'heure de ma première relation sexuelle. Tout s'est bien passé. Cependant une chose me gène : je n'ai pas de nombril. En 2002, un chirurgien me fait un magnifique ombilic. Par la même occasion on m'agrandit la vessie afin d'espacer les arrêts pipi !

C'est I'apothéose. J'ai une vessie "normale", un beau nombril, me sonde quatre fois par jour et relie une poche pour la nuit. Pour moi c'est une nouvelle vie qui commence. La stomie est facilement camouflable et presque invisible.

Je fais une terminale littéraire et obtiens mon bac avec mention bien. Mes parents sont fiers de moi. Je me prends en charge précocement (sauf financièrement !).

J’ai un scooter et je passe mon permis de conduire. Quant à mes études supérieures... Plutôt révélatrices ; j'entre à l’école d'infirmière le 29 septembre 2003. Aujourd'hui je suis en 3ème année, tout se passe pour le mieux. J'ai quitté mes parents pour assumer et profiter pleinement de la vie.

L'exstrophie, je ne la considère plus comme une maladie, un handicap. C'est mon allié plus que mon ennemi. Elle m'a permis d'acquérir une multitude de connaissances, une certaine maturité et une grande humanité. Je lui dois également mon orientation professionnelle. La cystostomie c'est ce qui m'a sauvé. Elle m'a tout de même fait passer par des moments difficiles : souffrance physique mais surtout morale, anorexie, mais au-jourd'hui la vie me souri et j'espère que... je souris à la vie.

Voilà 21 ans de peines et de joies, de pleurs et de rires qui m'amènent à vous souhaiter bon courage.

Je voudrais finir par vous donner quelques conseils:

  • A vous parents, ne faites pas de la maladie un sujet tabou.
  • Ne vous chargez pas de culpabilité, car même dissimulée, votre enfant la ressentira.
  • L'exstrophie, n'est pas un obstacle à sa future vie sociale, professionnelle et sexuelle.
  • Le surprotéger, ce n'est pas forcément I'aider.
  • Ne le renfermez pas dans son "handicap", Il est enfant avant d'être un patient.
  • Enfin, n'hésitez pas à vous faire aider, les différents professionnels sont là pour vous écouter.

A vous enfants et ados:

  • Soyez rigoureux avec les soins, comme ça, les infections resteront loin…
  • Travaillez, sortez, profitez, et vous serez récompensés.
  • Pour vous libérer, il faut parler.
  • La stomie est synonyme de nouvelle vie, difficile à accepter mais je ne vois aucune raison de la rejeter.

VOUS N'ETES PAS SEUL, COURAGE, FONCEZ.

NB: J'en profite pour remercier tous les membres du personnel du service Nové Josserand de l’hôpital Debrousse à Lyon: Infirmières et puéricultrices, auxiliaires puéricultrices, animateurs, anesthésistes, chirurgiens, kinés, psychologues, et secrétaires qui ont effectués une prise en charge exemplaire. ’’

- Aurore, 2006


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Bonjour à tous, aujourd’hui je confie à mes parents le soin de vous parler un peu de moi. Du haut de mes 3 ans et demi, je maîtrise très bien l’écriture de la première lettre de mon prénom, mais c’est à peu près tout, donc pour l’instant je préfère leur laisser le champ libre!

L’exstrophie vésicale de notre fille n’a pas été détectée en anté-natal. Ce fut donc le grand chamboulement le jour de sa venue au monde. Il nous a fallu 8 mois pour trouver le centre et l’équipe qui prendraient désormais soin d’elle .A partir de ce moment-là nous avons décidé que la vie de notre blondinette serait aussi normale que possible. C’est cela que nous aimerions partager avec vous ici.

A l’âge de 13 mois, la reconstruction vésicale, l’ostéotomie étaient faites, le conduit de Mitrofanoff posé. Et quoi de plus normal à cet âge là que de découvrir les joies de la vie en collectivité, en route pour la crèche donc ! Nous avons tout d’abord rencontré l’équipe de la crèche de notre village, nous leur avons présenté notre fille, expliqué en quoi consiste l’exstrophie vésicale, la reconstruction qui avait été faite, les implications sur son quotidien, notamment l’hétéro-sondage à réaliser toutes les 3 heures. Rien de tout cela ne semblait gêner son accueil, nous nous sommes mis d’accord sur le fait que les hétéro-sondages seraient réalisés par une infirmière diplômée d’état (IDE). La période d’adaptation s’est faite sur des plages horaires entre deux sondages. Ces heures n’étaient en rien différentes de celles des copains.

Cette étape franchie, nous avons travaillé à la préparation des infirmières libérales qui avaient accepté de nous aider. Nous avions obtenu du chirurgien une ordonnance pour deux sondages quotidiens à faire réaliser par une IDE. Nous avons réalisés plusieurs sondages avec elles, à des heures différentes de la journée. Et puis ce fut le grand saut, deux jours complets hebdomadaires à la crèche avec sondage à 11h et 14h. Bien entendu tout cela est à moduler avec les heures d’activités, de repas et de sieste, mais rien n’est impossible quand vos interlocuteurs ont à cœur le bien-être et l’épanouissement de votre pit’choune ! Lors des périodes d’infections urinaires, nous fournissions l’ordonnance pour l’antibiotique à la crèche et celui-ci était administré sans problème. Cette pratique est commune à toutes les crèches et à l’administration de n’importe quel médicament en période d’otites, de gastros et autres rhinos bien connues des puéricultrices qui s’occupent de nos bambins !

Nous n’avions que deux requêtes spécifiques quant aux soins quotidiens, qu’un biberon soit à disposition en permanence et l’application de crème protectrice sous la couche afin de protéger les cicatrices du bas abdomen. Nous fournissions, le biberon, les jus de fruit, l’eau minérale et la crème.

Il était temps de faire un nouveau pas de géant pour notre fille, être gardée toute la semaine, hors de la maison. Nous avons choisi d’alterner crèche et garde par une assistante maternelle. Là encore d’autres nous diront que nous avons eu beaucoup de chance, peut être, mais le fait est que cela est possible. Nous avons fait la connaissance d’une assistante maternelle toute nouvelle dans la profession, le personnel de la crèche nous la recommandait. Dès notre première rencontre, nous avons indiqué que prendre soin de notre fille impliquait de réaliser les sondages. La personne a pris le temps d’y réfléchir avant de nous donner sa réponse, ce n’est pas une mince affaire il ne faut pas se le cacher. Elle a accepté, enthousiaste. A donc commencé la découverte de la technique de sondage par le Mitrofanoff, nous avons finalisé cela avec une visite aux infirmières de la consultation du service d’urologie pédiatrique de L’ HFME ,elles ont déclaré notre assistante maternelle ‘bonne pour le service !’. Cette mise en place a été complétée par la mise en place d’un PAI (projet d’accueil individuel) en coopération avec la PMI dont nous dépendons. Ce document permet à l’assistante maternelle et à la famille de fixer le cadre de la prise en charge de l’enfant sous la responsabilité du médecin de PMI, c’est très simple (une simple visite au domicile de l’assistante maternelle) à mettre en place et sécurisant. Et voilà c’était parti pour les belles journées ‘chez nounou’ !

Cette année, notre fille est rentrée en petite section de maternelle. Elle ne va en classe que le matin, car pas question d’abandonner nounou , la cantine ça attendra ! La vie en communauté dans la classe n’a posé aucun problème, cela fait deux ans qu’elle passe ses journées entourée d’autres enfants qui eux n’ont pas ‘un petit trou sur le ventre’, son conduit de Mitrofanoff donc…Lorsque nous aurons un peu plus de recul sur cette expérience nous la partagerons avec vous.

Dans le cadre du cercle familial, nous avons reproduit le même schéma, sa grand-mère et l’une de ses tantes sont aussi parfaitement capables de prendre en charge les sondages quotidiens. Elles ont toutes deux immédiatement manifesté leur envie de pouvoir s’occuper d’Aliénor comme elles le feraient pour les autres enfants de la famille. Les vacances avec mamie et les journées avec ses cousins sont donc parfaitement intégrées dans la vie d’Aliénor. Ils savent tous que toutes les trois heures ont fait une pause dans les activités pour le sondage et que personne ne doit toucher ni les sondes, ni les compresses. Toutes les poupées ont régulièrement droit à leur sondage dans les règles de l’art, c’est tellement drôle de les voir imiter ce geste si parfaitement !

Les jours où nous rageons contre une sonde qui ne veut pas rentrer dans le conduit, les jours où l’infection urinaire est en train de virer à la pyélonéphrite, ceux où il faut expliquer à une toute petite fille qu’il va falloir aller à l’hôpital pour la piqûre parce que le médicament n’est pas assez fort pour tuer les microbes, il y en a, c’est une évidence. Mais très honnêtement, ils sont bien moins nombreux que ceux où nous devons lui expliquer que l’on ne part pas en costume de princesse à l’école.…

Nous ne regretterons jamais les choix que nous avons fait. Le principe est simple : d’autres personnes que nous, ses parents, peuvent aussi prendre soin de notre fille et lui permettre d’avoir une vie normale tout en respectant les modalités de son suivi, ni plus ni moins. L’exstrophie vésicale ne perturbe pas notre vie, elle l’accompagne et nous, nous accompagnons notre blondinette... et elle, elle court loin devant ! ’’

- Les parents d’Aliénor, Novembre 2011